Etudes de Critique biblique, astrologique nostradamiquej et linguistique.
vendredi 24 décembre 2021
Jacques Halbronn Retour sur deux approches bibliographiques concernant Nostradamus; Chomarat (1989) et Guinard (2008)
Jacques Halbronn Retour sur deux approches bibliographiques concernant Nostradamus: Chomarat (1989) et Guinard (2008)
Vingt ans séparent ces deux démarches; de quelle façon ont évolué les traitements dans l’intervalle qui aura été marqué par les publications de Benazra, de Brind’amour, notamment. .
En 1989 paraissait la Bibliographie Nostradamus (XVIe-XVIIIe siècles) de Chomarat, avec la collaboration de J-P. Laroche ( Ed Valentin Koerner) suivie de peu, en 1990, du Répertoire Chronologique Nostradamique de Benazra, préfacé par Jean Céard (Ed La Grande Conjonction- Trédaniel). On se demandera ce qui a pu changer entre le « ton » Chomarat et le « ton » Guinard.
A La Bibliographie Nostradamus 1989
Chomarat signale l’édition des Présages Merveilleux pour 1557 dédiée à Henri II sans s’interroger sur la différence avec son épitre figurrant en tête du secon volet des Centuries; Dès 1982, dans le Testament de Nostradamus (trad. française, Ed du Rocher), l'on avait mis en paralléle le début des deux épitres à Henri II, celle de 1556 et celle de 1558 mais cela passera le plus souvent sous silence, y compris après notre publication dans Documents Inexploités sur le phénomené Nostradamus. Chomarat signale des almabachs pirates des années 1560 et il reproduit la page de titre de l’un d’eux, avec une vignette semblable à celle de lrédition Macé Bonhomme 1555 ou Antoine du Rosne 1557 mais cela non plus n'aura pas attiré l'attention sur le choix des vignettes utilisées d'une part par Nostradamus, de l'autre, par ses imitateurs. Ajoutons que les almanachs de Nostradamus ne comportent aucune vignette, ce qui est propre à ses Pronostications.. En ce qui concerne une édition italienne de 1564 des Presagi /Pronostici de Michele Nostradamo, dédié au Pape Pie IV, Chomarat n’en signale pas l’original français.
A propos des Prophéties de Crespin (1572), Chomarat ne signale pas toute une série d’adresses comportant des fragments des quatrains.
Chomarat sur la période de la Ligue (pp. 77-80) ne s’explique pas sur le fait que ne paraissent pas à l’époque les Centuries VIII-X avec l’Epitre à Henri II. Il ne s’arrête pas sur l »édition à 4 centuries, parue en 1588 si ce n’est pour signaler des « manques » par rapport aux éditions des années 1550. Pour l’édition 1605, Chomarat ne signale pas le probléme posé par les 58 sixains sous le titre de Prédictions admirables pour les ans courans en ce siècle.
B L’Historique des éditions des Prophéties 2008
Tout au long de cet ensemble de 270 pages, Guinard se refusera à reconnaitre que les éditions de la Ligue sont en fait les matrices des éditons 1550 et non l’inverse et il s’en tiendra à cette position jusqu’à sa mort, survenue en septembre 2021. Tout comme Chomarat, il ne veut pas tirer les leçons de l’absence des Centuries VIII-X sous la Ligue alors que celles-ci étaient censées être parues dès 1568 et auraient donc disparu de la circulation jusqu’au début des années 90 du XVIe siècle.
En 2011, paraitra dans la même revue qui avait accueilli en 2008 l’Historique des éditions des Prophéties de Nostradamus (1555-1615) de Guinard, la mise au point de Jacques Halbronn « Vers une nouvelle approche de la bibliographie centurique ». On abordera essentiellement la dimension critique de ces différents travaux (cf notre mémoire ‘le Dominicain Giffré de Réchac et la naissance de la critique nostradamique au XVIIe siècle », 2007)
On s’arrêtera sur le volet « Bibliographie » (pp. 135 et seq) On note l’absence totale de référence à nos travaux notamment en 1997 Les prophéties et la Ligue, en 1999 Le texte prophétique en France. Presses Universitaires du Septentrion (1999), nos Documents inexploités sur le phénoméne Nostradamus . Ed Ramkat 2002 ou notre articile paru dans la revue Réforme Humanisme Renaissance, 1991 sur une attaque réformée (1561) sans parler de la longue série d’études parus sur Espace Nostradamus (ramkat.free.fr) en 2003-2004. On notera qu’en 2011, la Revue Française d’Histoire du livre qui avait accueilli trois ans plus tôt l’Historique de Guinard publiera avec un avant propos de Gérard Morisse, « Vers une nouvelle approche de la bibliographie centurique » Révolution copernicienne: au lieu de placer les éditions ligueuses en gravitation autour des éditions du vivant de Nostradamus, Halbronn proposait l’inverse: ce sont les éditons centuriques du vivant de l’auteur qui sont calquées sur les éditions posthumes, le second volet l’apparaissant pas avant la décennie 1590 avec une Epitre d’inspiration protestante..
Entre 1989 et 2008 s’est installé un certain besoin de valider les dates d’édition en ne se contentant plus des dates indiquées. Il faut désormais des recoupements, des témoignages. Après 1990, la recherche dans ce domaine est quelque peu déniaisée et cela aura notamment tenu à nos propres interpellations. Patrice Guinard est parfaitement au courant de ces nouvelles exigences. Comment y répond-il? Il explique qu’il a dépouillé en 2005 un très grand nombre de catalogues. (pp. 12-16) Il conclut que ces catalogues sont loin d’être exhaustifs et que bien des ouvrages ont pu passer sous les radars.
Guinard propose trois périodes: « celle des premières éditions (1555-1563), celle des éditions Benoist Rigaud (c 1568-1585), période des éditions « complétes » du texte et la période ligueuse (c 1588- 1600) celle des éditions tronquées et atrophiées parues après les assassinats de Guise et de Henry III, et de la rédaction des éditions Rigaud,de Benoist, en fin de carrière, puis des héritiers » (p. 15) Guinard réplique à notre communication de 1997 lors des Journées Verdun Saulnier, à la Sorbonne – meme s’il n »en donne pas les références précises (il nous désigne simplement comme « speculateur » : »il s’en prend à notre argument (quatrain IV, 46) sur le » Garde toi Tours de ta proche ruine »(p. 84): « Il n’y a aucune raison de penser que cette édition ait pu censurer des quatrains ou des vers en apparence favorables aux ligueurs et hostiles à Henri IV dans le contexte politique des années 1588-93) (..) les quatre quatrains manquants ont été écartés pour des raisons de mise en page » car ils sont reproduits dans l’édition de 1589″ A l’évidence, Guinard en reste à la thèse des éditions « tronquées » et non des éditions en train de se constituer sous la Ligue.Il ne s’agit pas de quatrains qui disparaissent mais de quatrains qui apparaissent alors. Guinard ne nous explique pas pourquoi les centuries VIII à X ne paraissent pas sous la Ligue. Il lui faut donc supposer qu’on n’aura pas jugé bon de les rééditer depuis 1568, puisqu’il refuse la possibilité d’additions à la fin du siècle en faveur d’Henri IV et annonçant son couronnement à Chartres (début 1594) Guinard termine son exposé dans la RFHL avec « Florent de Crox, le plus doué des imitateurs de Nostradamus » (-p. 261), reconnaissant ainsi la possibilité de contrefaçons sinon de pastiches sans envisager que ces contrefaçons aient pu être récupérées pour produire les dites Centuries. Même 58 sixains, censés compléter les 42 quatrains de la Centurie IV, seront finalement intégrés dans les éditions centuriques au début du XVIIe siècle. Il ne signale pas l’article de Chantal Liaroutzos sur les emprunts du second volet à la guide des Chemins de France de Charles Estienne.(in revue Réforme Humanisme Renaissance, 1987). Guinard signale (p. 95) des références dès 1589 à certains quatrains du second volet, sans comprendre que le dit volet ne réléve pas de la Ligue. Le texte signalé par Guinard est par ailleurs du plus grand intérêt car il est très rare que l’on signale un quatrain avec sa référence précise (cf BNF,gallica Contre les fausses allegations que les plus qu’Achitofels, conseillers cabinalistes, proposent pour excuser Henry le meutrier de l’assassinat par luy perfidement commis en la personne du tres illustre Duc de Guise, p. 31,J. Pillehotte 1589): quatrain 60 de la huitième centurie ». Il faut remercier Guinard de cette donnée qui nous avait échappé, un des rares exemples d’une telle mention précise est à trouver dans l’Androgyn de 1570 qui est un faux.(cf notre étude « Jean Dorat et la « miliade » de quatrains, Espace Nostradamus) Dont acte: il semble donc attesté que le second volet ait été en circulation en 1589. On le retrouve à Cahors en 1590 comme le rappellent les diverses bibliographies dont celle de Guinard lui même: « Dont il y en a trois cens qui n’ont encores jamais esté imprimées. Adjoustées de nouveau, par ledict Autheur. Centuries VIII. IX. X. Qui n’ont encores jamais esté imprimées. Cahors, Jacques Rousseau, 1590. On peut même dire que c’est là la première référence précise authentique à une édition centurique avant la parution en 1594 du Janus Gallicus de Jean Aimé de Chavigny. Et cette référence est le fait non du camp ligueur mais de celui d’Henri de Navarre, rallié par Henri III, peu avant son assassinat en 1589, devant Saint Cloud.
En fait, Guinard avait trouvé une parade sur deux plans: Nostradamus aurait planifié la succession des éditions et il aurait prévu les événements de sorte que le rapprochement entre un quatrain et un événement ultérieur ne permettrait pas de dater le dit quatrain!
En conclusion, nous réfutons les deux premières périodes dont nous parle Guinard : aucune centurie n’est parue avant 1588 et les éditions qu’il mentionne sont toutes non seulement antidatées mais sont des contrefaçons qui ne sont même pas posthumes, si ce n’est que certains quatrains ont probablement étré composés à partir de la prose de Nostradamus comme c’est le cas de celui qui mentionne le mot » Macelin » (issu de ses épitres au pape Pie IV, traduites en italien) Quant à Guinard, il conclut (p. 130) ainsi son dossier : » Cette étude invalide définitivement les hypothèses tendant à disqualifier les premières et authentiques éditions des Prophéties au profit d’éditions ultérieures(fin XVIe-début XVIIe) » en ne prenant pas la peine d’exposer les dites « hypothèses » ni même de mentionner dans sa bibliographie les travaux ainsi visés. En fait, Guinard n’a pas compris que c’est à partir des dernières éditions de la fin du XVIe siècle que furent réalisées les « premières » fausses éditions..Guinard asséne en effet l’argument suivant : » Il aurait fallu que les prétendus faussaires élaborent en concertation toute une série d’éditions antidatées toujours plus impeccables à mesure qu’on remonte dans le temps etc ». En 2011, la RFHL accueillit pourtant un dossier de notre part de plus de 150 pages intitulé « Vers une nouvelle approche de la bibliographie centurique »*Guinard n’aura pas suffisamment considéré l’approche iconographique à telle enseigne que la vignette qui ouvre son dossier est en fait empruntée aux faux almanachs parus du vivant de Nostradamus et diffère sensiblement de celles des vrais almanachs car vingt ans après la mort de Nostradamus, le souvenir- s’était perdu et l’on ne s’est pas assez méfié si bien que les éditions 1555-1577 véhiculent les vignettes des éditions pirates. Voir Bibliographie Nostradamus de Chomarat, p; 39, n°54 où figure la page de titre de l’almanach pour 1563 chez Barbe Regnault(Bibl municipale de Lille). Guinard n’ a pas compris que le scénario des éditions 1555-1568 est une invention des faussaires pour conférer après coup une continuité aux additions successives: passage de 300 à 353, passage de 353 à 600 (2×300), passage de 600 à 639 (640-642) puis ajout de 300 quatrains formant le second volet avec des dates fictives allant de 1555 à 1568.
JHB 21 12 21
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