samedi 27 juillet 2024

Article WIKIPEDIA "Les Samaritains"

" Samaritains et les Judéens (qui donnèrent les Juifs) ne se considèrent plus comme un seul peuple, alors même qu'ils se réclament tous deux de la descendance des Hébreux et qu'ils suivent le Pentateuque." Les Samaritains (autoethnonyme : Shamerim, qui signifie « les observants » (שַמֶרִים du verbe hébraïque lishmor qui veut dire « garder » ou « ceux qui gardent »3 ; en hébreu moderne : Shomronim - שומרונים, c'est-à-dire « de Shomron », la Samarie ; ou « Israélites-Samaritains »4 ; en grec ancien dans les évangiles Σαμαρῖται, Samarîtai) sont une communauté très peu nombreuse vivant en Israël et en Cisjordanie (comprenant l'ancienne Samarie). Leur religion, parfois appelée samaritanisme, est l'une des plus anciennes branches du judaïsme. Elle s'est séparée de ce qui deviendra le judaïsme orthodoxe entre le vie et le ive siècle av. J.-C. Elle est fondée sur le Pentateuque samaritain, les Samaritains refusant les livres de la Bible hébraïque postérieurs au Pentateuque (Livres des prophètes et livres hagiographes). Contrairement à la majorité des courants juifs, les Samaritains ne prennent également pas en compte la tradition orale devenue le Talmud. Étant apparus avant le développement du judaïsme rabbinique, ils n'ont pas de rabbins. Les Samaritains sont une des plus petites communautés religieuses du monde, puisqu'ils étaient 874 en 20222 (contre 712 en 20075). Ils sont dotés d'une histoire écrite, attestée au Ier millénaire av. J.-C. en Samarie, région qu'ils ont dominée jusqu'au vie siècle. Samaritains sur le mont Garizim, en 2006. Origines Les Israélites des environs de l'an 1000 av. J.-C. vivaient, semble-t-il, sur les hautes terres se trouvant à l'ouest du Jourdain, et un peu au-delà, sur le territoire de l'actuelle Jordanie. D'après la Bible, ils auraient été divisés en 12 tribus plus ou moins rivales, puis unifiés6 vers l'an 1000 av. J.-C. par le roi Saül, puis par le roi David, et son fils Salomon. Après la mort de Salomon, vers 930 av. J.-C., les 10 tribus du Nord auraient fait sécession, et formé le royaume d'Israël, aussi appelé « royaume de Samarie », du nom de la ville qui devint sa capitale au ixe siècle av. J.-C. Ce royaume est alors devenu le voisin et parfois l'adversaire du royaume du Sud : le royaume de Juda, autour de Jérusalem. Les deux royaumes israélites Le royaume de Samarie et le royaume de Juda se sont définis de façon ambiguë l'un par rapport à l'autre. Ils faisaient partie d'une même communauté religieuse israélite, mais ils étaient aussi en concurrence territoriale, politique et finalement religieuse. On peut lire dans cette concurrence l'origine des Samaritains. Frontières estimées des États du Levant vers 800 av. J.-C. Dans un contexte où religion et politique ne sont pas séparées, le contrôle de la religion est un aspect important du contrôle du pouvoir, et des lieux de culte respectifs ont été mis en place par les deux royaumes. Celui de Juda a été installé à Jérusalem, tandis que le royaume de Samarie en installait plusieurs, les deux principaux étant situés « aux extrémités nord et sud du royaume, à Béthel et à Dan »7. Dans les premiers siècles, cette diversité des temples n'a cependant pas semblé poser trop de problèmes, et n'a en tout cas pas entraîné de schisme officiel. Il faut rappeler que, jusqu'aux alentours de l'an mille avant Jésus-Christ, il n'y avait pas, d'après la Bible, de lieux de culte permanents et fixes. Le prophète Samuel est ainsi un prêtre du sanctuaire de Silo. C'était la traduction d'une absence de centralisation historique remontant à l'existence de tribus séparées. Avec la structuration en royaumes, la concurrence a commencé à se faire sentir, et chaque lieu de culte a été progressivement mis en avant par le royaume qui le gérait. La Bible « nous dépeint immanquablement les tribus du Nord […] désespérément enclines au péché »8. Les temples de Samarie sont accusés d'avoir été ouverts aux rites païens, et de n'être pas vraiment israélites : « Les enfants d'Israël firent en secret, contre l'Éternel leur Dieu, des choses qui ne sont pas bien. Ils se bâtirent des hauts lieux9 […]. Ils se dressèrent des statues et des idoles sur toute colline élevée […]. Ils fabriquèrent des idoles d'Astarté, ils se prosternèrent devant toute l'armée des cieux, et ils servirent Baal. Ils firent passer par le feu10 leurs fils et leurs filles11. » Les livres historiques de la Bible concernant les périodes avant la destruction du premier Temple en 586 av. J.-C., appelée généralement « histoire deutéronomiste », sont datés du règne de Josias (639 à 609 av. J.-C.), ou de la période suivant son règne, après la destruction de Samarie, mais intègrent des sources plus anciennes, pour certaines nordistes (comme les prophètes Amos ou Osée). « L'historien deutéronomiste transmet à ses lecteurs un double message, plutôt contradictoire. D'un côté, il dépeint Juda et Israël [Samarie] comme deux États jumeaux. De l'autre, il les décrit comme férocement antagonistes. Josias ambitionne de s'étendre au Nord. […] La Bible, à l'appui de son ambition, répète donc à satiété […] que sa population est composée d'israélites qui auraient dû accomplir leurs dévotions à Jérusalem […]. La Bible se devait d'ôter toute légitimité aux cultes nordistes — principalement celui du sanctuaire de Béthel — et de montrer que les traditions religieuses du royaume du Nord étaient impies12 ». « Violence, idolâtrie, cupidité caractérisent le portrait peu édifiant du royaume nordiste d'Israël que nous brossent les deux Livres des Rois13 » Il est impossible de savoir si toutes ces accusations sont fondées, mais elles montrent une forte hostilité envers le royaume et les pratiques religieuses du nord, bien avant l'apparition « officielle » des Samaritains. Carte de la région après l'expansion assyrienne. La Samarie et Juda font partie de l'empire, Juda avec un statut de vassal et non de simple province. Le royaume de Samarie a été envahi et détruit par l'Assyrie en 722 avant notre ère, qui en a fait une de ses provinces. Le royaume de Juda accepta par contre la suzeraineté assyrienne, et survécut donc. Juda ne reprit une pleine indépendance que sous le règne de Josias (de 639 à 609 av. J.-C.)14, jusqu'à sa destruction par les Babyloniens et la déportation de sa population en 586-587 avant notre ère. L'origine des Samaritains : selon la tradition juive orthodoxe D'après la Bible (Deuxième livre des Rois), qu'on estime rédigée vers le milieu du vie siècle av. J.-C. (soit au moins 150 ans après les événements15), la population du royaume de Samarie aurait été déportée vers d'autres régions de l'Empire assyrien en punition de ses péchés. Elle aurait ensuite mystérieusement disparu. Ce seraient les « dix tribus perdues d'Israël ». La Bible affirme que des populations étrangères auraient été déplacées pour les remplacer sur leur territoire. Ces étrangers auraient créé une religion mélangeant influences israélite et païenne, donnant ainsi naissance aux Samaritains. « Et Israël a été emmené captif loin de son pays en Assyrie, où il est resté jusqu'à ce jour. Le roi d'Assyrie fit venir des gens […] et les établit dans les villes de Samarie à la place des enfants d'Israël. […] Lorsqu'ils commencèrent à y habiter, ils ne craignaient pas l'Éternel, et l'Éternel envoya contre eux des lions qui les tuaient. On dit au roi d'Assyrie : Les nations que tu as transportées et établies dans les villes de Samarie ne connaissent pas la manière de servir le dieu du pays, et il a envoyé contre elles des lions qui les font mourir […]. Le roi d'Assyrie donna cet ordre : Faites-y aller l'un des prêtres que vous avez emmenés de là en captivité […], et qu'il leur enseigne la manière de servir le dieu du pays. Un des prêtres qui avaient été emmenés captifs de Samarie vint s'établir à Béthel, et leur enseigna comment ils devaient craindre l'Éternel. Mais les nations firent chacune leurs dieux dans les villes qu'elles habitaient, et les placèrent dans les maisons des hauts lieux bâties par les Samaritains16. […] Ils craignaient aussi l'Éternel […] et ils servaient en même temps leurs dieux d'après la coutume des nations d'où on les avait transportés. […] Ils suivent encore aujourd'hui leurs premiers usages. […] L'Éternel avait fait alliance avec eux, et leur avait donné cet ordre : Vous ne craindrez point d'autres dieux. […] Et ils n'ont point obéi, et ils ont suivi leurs premiers usages. Ces nations craignaient l'Éternel et servaient leurs images ; et leurs enfants et les enfants de leurs enfants font jusqu'à ce jour ce que leurs pères ont fait17. » On note une contradiction dans le second Livre des Rois : les nouveaux habitants de l’ancien royaume de Samarie (devenu province assyrienne) sont décrits comme des étrangers, mais il est aussi indiqué que « l'Éternel avait fait alliance avec eux », comme s'ils étaient les descendants des anciens Israélites. D'un côté ils « craignaient l'Éternel », de l'autre « ils servaient en même temps leurs dieux ». La population maintenant identifiée comme « samaritaine » devient ainsi une population ambiguë, mélange d'étrangers païens et d'influence israélite, globalement rejetée de la communauté. Selon la bible Crampon, il est clair que l'alliance établie dans les versets 34-36 du 2e Livre des rois a été établie avec les "enfants de Jacob" et donc les Israélites de souche. [réf. nécessaire] « Ils suivent encore aujourd'hui les premières coutumes ; ils ne craignent point Jéhovah, et ils ne se conforment ni à leurs lois et à leurs ordonnances, ni à la loi et aux commandements donnés par Jéhovah aux enfants de Jacob, qu'il appela du nom d'Israël. Jéhovah avait fait une alliance avec eux et leur avait donné cet ordre : " Vous ne craindrez point d'autres dieux, vous ne vous prosternerez point devant eux, vous ne leur offrirez point de sacrifice. Mais vous craindrez Jéhovah, votre Dieu, qui vous a fait monter du pays d'Égypte, par une grande puissance et par son bras étendu ; c'est lui que vous craindrez, devant lui que vous vous prosternerez, à lui que vous offrirez des sacrifices. » " (Bible Crampon18 2e tome, 1898) La littérature rabbinique postérieure est également partagée. Le Talmud parle ponctuellement des Samaritains, en des termes divergents, mais qui tranchent parfois avec le rejet total. Le traité Houlin accepte la viande des animaux qu'ils ont tués comme casher, si un juif a été témoin de l'abattage19, et le traité Orlah du Talmud de Jérusalem admet leur pain20 sous certaines réserves. Dans un autre traité de ce Talmud qui daterait du ier siècle, leur nourriture est considérée comme légale21. Un traité mineur (Massekhet Kouthim) confirme leur acceptation partielle : « quand pourront-ils être reçus dans la communauté juive ? Quand ils auront renoncé à Har Garizim (le mont Garizim) et reconnu Jérusalem et la résurrection des morts »22. Le même traité reconnaît que, dans la plupart de leurs usages, ils ressemblent à des Israélites. Ainsi, dès le début de l'ère chrétienne, l'accusation de paganisme est-elle abandonnée par certains religieux juifs. Mais l'accusation de ne pas être d'ascendance israélite subsiste, même si l'approche du traité Kouttim montre quelques évolutions : les Samaritains pourraient être acceptés « dans la communauté juive » (malgré leurs origines) s’ils réformaient leurs pratiques. Une telle approche « ouverte » de la seconde grande accusation historique juive (ne pas être d'origine israélite) est cependant tout à fait marginale dans le Talmud. L'origine des Samaritains : selon la tradition samaritaine D'après leur livre des Chroniques (Sefer ha-Yamim), les Samaritains se considèrent comme les descendants des tribus d'Ephraïm et de Manassé (deux tribus issues de la Tribu de Joseph) vivant dans le royaume de Samarie avant sa destruction en 722 av. J.-C. La famille sacerdotale affirme descendre de la tribu de Lévi. La vision les faisant descendre des anciens Israélites du Nord est assez proche de celle de la majorité des historiens. Ils ajoutent que « ce sont les Juifs qui se sont séparés d'eux au moment du transfert de l'Arche au xie siècle » avant notre ère23. Selon la deuxième de leurs sept chroniques, « c'est Éli qui causa le schisme en établissant à Silo un sanctuaire dans le but de remplacer le sanctuaire du mont Garizim »24. La question du Mont Garizim La centralité du Mont Garizim n'est pas la seule spécificité des Samaritains. Outre la question de leur origine supposée non israélite par les Juifs, il existe également des différences importantes en matière de textes sacrés, les Samaritains n'acceptant que le Pentateuque. Mais le Mont Garizim comme principal lieu saint, en lieu et place de Jérusalem, est un marqueur fondamental de la différence avec les Juifs. Les Samaritains considèrent que, de tout temps, c'est le mont Garizim qui fut désigné par Dieu pour être le centre du culte. Ils citent pour cela les passages du Deutéronome : « Lorsque vous aurez passé le Jourdain, Siméon, Lévi, Juda, Issacar, Joseph et Benjamin, se tiendront sur le mont Garizim, pour bénir le peuple »25 et plus encore « Et lorsque l’Éternel, ton Dieu, t’aura fait entrer dans le pays dont tu vas prendre possession, tu prononceras la bénédiction sur la montagne de Garizim, et la malédiction sur la montagne d’Ebal »26. On trouve d'autres citations, comme dans le livre des Juges27 ou dans celui de Josué28. Pour les Samaritains, Jérusalem aurait donc été imposée par les Israélites du sud, ceux du royaume de Juda, les Judéens (les Juifs à partir de l'époque perse), à l'encontre de cette ancienne sanctification. Certains éléments factuels semblent s'écarter de la vision samaritaine sur la place prééminente du Mont Garizim dans le culte des anciens Israélites. La construction du temple sur le mont Garizim est en effet en rupture avec la diversité cultuelle ancienne de la Samarie : les lieux de culte de Béthel et de Dan qui dominaient le royaume de Samarie disparaissent. Il est possible qu’il s'agisse d'une influence judéenne, une volonté de répondre à l'exclusion par une autre légitimité. À l'inverse, il est notable que le Mont Garizim soit connu du Pentateuque (les cinq premiers livres de la Bible), tandis que la centralité de Jérusalem n'apparaît que dans les Livres de Samuel et des Rois, décrivant les règnes de David et Salomon (mais rédigés plusieurs siècles après). Ainsi, si le Mont Garizim apparaît bien comme un ancien lieu sacré israélite, il n'était en tout cas pas, à l'époque de l'ancien royaume de Samarie, le centre du culte, ni même le lieu de culte le plus important. L'origine des Samaritains : thèses historiennes Historiens et archéologues ont essayé de mettre les thèses religieuses à l'épreuve de l'analyse critique, en particulier en s'appuyant sur des sources textuelles ou archéologiques externes à la Bible. Ces sources étant parcellaires, il existe cependant toujours des interprétations divergentes entre historiens. Les faits Sargon II et un haut dignitaire. Bas-relief du palais de Dur-Sharrukin. Les archéologues ont exhumé une bonne partie des archives de l'Empire assyrien. Les chroniques assyriennes de Sargon II, le roi qui a vaincu le royaume de Samarie, indiquent : « J'ai assiégé et occupé la ville de Samarie, et ai emmené 27 280 de ses habitants captifs. Je leur ai pris 50 chars, mais leur ai laissé le reste de leurs affaires29. » Certains traducteurs ne sont pas d'accord avec la précision apportée (« ville de Samarie »), considérant que le texte original laisse planer le doute entre la ville et l'État de Samarie. Teglath-Phalasar III. Bas-relief provenant de son palais à Nimrud, fin du viiie siècle av. J.-C. Musée du Louvre. Il y a un point commun avec les Livres des Rois : la déportation des Israélites a bien eu lieu. Mais il y a aussi une différence importante : le nombre des déportés. Pour le Second livre des Rois, c'est toute la population ou presque qui a été déportée. Pour Sargon II, c'est une minorité. Les archéologues estiment en effet la population du royaume de Samarie à 200 000 personnes, d'après les villes et villages retrouvés. Il y avait bien eu une première déportation dix ans plus tôt, quand le roi assyrien Teglath-Phalasar III avait conquis la Galilée. Mais elle aussi a été chiffrée par les textes assyriens. Le total des deux déportations atteint environ 40 000 personnes, soit 20 % seulement du total des habitants. Sans doute essentiellement l'élite. Les historiens pensent que certains Israélites du Nord seraient également partis en tant que réfugiés vers le royaume de Juda30. L'implantation de colons étrangers est indiquée plusieurs fois dans le reste du texte31, mais à propos d'autres conquêtes. Cette politique d'implantation était manifestement courante, et a donc peut-être été faite en Samarie, comme l'indique le Livre des Rois. On a retrouvé, à Gezer et dans les environs, des textes cunéiformes du viie siècle av. J.-C. contenant des noms babyloniens. La déportation de populations allogènes en Samarie (au moins dans certaines zones), affirmée par les Livres des Rois, est donc bien confirmée. L'archéologie indique par contre que ce repeuplement est loin d'être massif. Les poteries, inscriptions, villages, etc. montrent une grande continuité avec la période antérieure32. Le Livre de Jérémie rapporte que 150 ans après la chute du royaume du Nord, juste après la chute de Jérusalem en 586 av. J.-C., des Israélites du Nord se sont présentés avec des offrandes pour le temple de Jérusalem : « quatre-vingts hommes vinrent de Sichem, de Silo et de Samarie, la barbe rasée, les vêtements déchirés, la peau tailladée d'incisions33. Ils apportaient des offrandes de céréales et de l'encens pour les offrir dans le Temple de l'Éternel »34. Dernier fait en contradiction avec la Bible : la religion actuelle des Samaritains, strictement fondée sur le Pentateuque, ne présente pas de trace de paganisme. Les traités rabbiniques, datant du début de l'ère chrétienne et précédemment cités, indiquent que ce strict monothéisme est très ancien. Au vie siècle av. J.-C., le livre de Jérémie les montre faisant des offrandes au temple. On manque toutefois de sources autonomes pour parler de la religion des Samaritains aux ive et ve siècles av. J.-C. Il est donc possible, mais non prouvé, qu'il y ait eu une période de quelques siècles où la religion samaritaine aurait été un syncrétisme pagano-israélite, conformément à l'accusation des Livres des Rois. Il faut cependant tenir compte du sens spirituel donné au mot idolâtre ou païen dans les textes bibliques : le paganisme et l'idolâtrie désignent le fait de pratiquer l'injustice, le péché, l'iniquité. La génétique a été sollicitée pour apporter certaines réponses quant à l'origine des Samaritains. L'étude de Shen et al., en 2004 [archive][PDF] a ainsi porté sur la comparaison entre les chromosome Y de douze hommes samaritains et ceux de 18-20 hommes non samaritains, répartis entre six populations juives (d'origines ashkénaze, marocaine, libyenne, éthiopienne, irakienne et yéménite) et deux populations israéliennes non-juives (Druzes et Arabes). Les résultats d'analyses précédentes sur des groupes d'Africains et d'Européens ont été intégrés dans l'analyse statistique. L'ADN mitochondrial (hérité des femmes) a également été comparé. L'étude conclut que des ressemblances significatives existent entre les chromosomes Y (masculin) juifs et samaritains, mais que l'ADN mitochondrial (hérité des femmes) diffère entre les populations juives et samaritaines. « À notre surprise, tous les chromosomes Y [donc hérités des hommes] des Samaritains non-Cohen [n'appartenant pas à la famille sacerdotale] appartiennent au groupe Cohen » (une caractéristique génétique qu'on rencontre majoritairement chez les juifs cohanim, c'est-à-dire supposés descendre d'Aaron. « Les données […] indiquent que les chromosome Y [masculin] samaritains et juifs ont une affinité beaucoup plus grande que ceux des Samaritains et de leurs voisins géographiques de longue date, les Palestiniens ». « Cependant, ce n'est pas le cas pour les haplotypes d'ADN mitochondrial [hérités des femmes]. […] Les distances entre Samaritains, Juifs et Palestiniens pour l'ADN mitochondrial [féminin] sont à peu près identiques. De plus, la basse diversité […] suggère que le flux de gènes maternels dans la communauté samaritaine n'a pas été très élevé » (peu d'entrées de femmes dans la communauté). L'interprétation des faits La thèse dominante chez les historiens est plutôt que 80 % des habitants de l'ancien royaume de Samarie sont restés sur place, et sont devenus les Samaritains (au sens religieux du terme) cités par le Livre des rois35. Dans cette optique, les 10 tribus d'Israël mystérieusement disparues ne seraient qu'un mythe inventé pour justifier l'exclusion des Samaritains de la communauté israélite : on ne rompait pas avec d'autres Israélites, on constatait leur disparition mystérieuse et leur remplacement par des étrangers. Les raisons de cette rupture définitive seraient surtout : la question de la centralité du temple du mont Garizim ou de celui de Jérusalem dans le culte. la place de la Torah orale (plus tard compilée dans la Mishna, la Gémara puis le Talmud) chez les Judéens, et refusée par les Samaritains. L'étude précédemment citée (Shen et al. [archive][PDF]) tente d'apporter un éclairage par la génétique. Ses auteurs penchent finalement en faveur d'une approche mixte entre remplacement et continuité : « nous supposons que [les caractéristiques génétiques samaritaines] présentent un sous-groupe des prêtres juifs Cohanim d'origine, qui n'est pas parti en exil quand les Assyriens ont conquis le royaume du Nord […], mais qui ont épousé des Assyriennes et des femmes exilées réinstallées à partir d'autres terres conquises ». Il faut cependant noter deux points : d'une part « La diversité élevée des haplotypes d'ADN mitochondrial chez les Israéliens suggère que les fondatrices féminines de chaque groupe juif aient été peu nombreuses et de différentes ascendances ». La spécificité des marqueurs génétiques féminins samaritains est donc difficile à interpréter à la lumière de la spécificité des marqueurs génétiques féminins de chaque groupe juif. D'autre part, l'apparition des spécificités n'est pas datée. Elle peut remonter avant, pendant ou après la période de la conquête assyrienne, et ne nous renseigne donc pas forcément sur les événements provoqués par celle-ci. Datation de la rupture Cyrus II le Grand et les Hébreux En 586 avant notre ère, le royaume de Juda tombe à son tour, et une partie de sa population est déportée à Babylone. Après la libération des exilés par Cyrus II en -537, ceux-ci décident de rebâtir le temple de Jérusalem détruit en -586. Les Samaritains proposent alors leur aide : « Les ennemis de Juda et de Benjamin36 apprirent que les fils de la captivité bâtissaient un temple à l'Éternel, le Dieu d'Israël. Ils vinrent auprès de Zorobabel et des chefs de familles, et leur dirent : nous bâtirons avec vous ; car, comme vous, nous invoquons votre Dieu, et nous lui offrons des sacrifices depuis le temps d'Ésar Haddon, roi d'Assyrie, qui nous a fait monter ici. Mais Zorobabel, Josué, et les autres chefs des familles d'Israël, leur répondirent : ce n'est pas à vous et à nous de bâtir la maison de notre Dieu ; nous la bâtirons nous seuls à l'Éternel, le Dieu d'Israël, comme nous l'a ordonné le roi Cyrus, roi de Perse. Alors les gens du pays découragèrent le peuple de Juda ; ils l'intimidèrent pour l'empêcher de bâtir37. » L'exil a en effet modifié les identités ethno-religieuses. Comme l'écrit le rabbin Josy Eisenberg, « Le vie siècle av. J.-C. a été décisif dans l'histoire des Juifs. En fait, on peut dire qu'il en constitue le véritable commencement, car il voit s'opérer une mutation fondamentale : la fin du temps des Hébreux et de l'hébraïsme, la naissance du temps des Juifs et du judaïsme »38. Pour les anciens exilés de Babylone, la terre sainte est mal connue. Les anciennes définitions sont réinterprétées. L'exil à Babylone a créé les Juifs au sens actuel du terme39. Elle crée donc, par opposition, les Samaritains « modernes », rejetés du corps israélite. D'après la citation du Livre d'Esdras rapporté ci-dessus, la rupture religieuse avec les Samaritains semble donc consommée dès 500 avant notre ère. Mais de nombreuses incertitudes subsistant sur les dates de rédaction des textes, l'évolution de leur contenu et la façon dont ils étaient appliqués en pratique ; aucune certitude n'est possible. D'autres sources confirment une rupture définitive vers -330. Ursula Schattner-Rieser indique « aujourd'hui, la majorité des spécialistes en samaritain est d'avis que la « secte » des Samaritains s'est séparée du groupe religieux judéen à l'époque perse, lors du retour de Néhémie en 445 av. J.-C. et que le début de l'histoire des Samaritains proprement dite se situe à la veille de l'époque hellénistique40 avec la construction d'un temple rival de celui de Jérusalem, sur le mont Garizim »23, à Sichem, actuelle Naplouse. La question du Temple semble effectivement importante dans la rupture. Tant le royaume de Juda que celui du Nord avaient maintenu des lieux de culte diversifiés. La Bible s'en offusque d'ailleurs, et certains rois du Sud, comme Josias, avaient lutté contre. Après le retour des exilés vers -537, le débat est définitivement réglé : seul le temple de Jérusalem est légitime. Le refus de « Zorobabel, Josué, et les autres chefs des familles d'Israël » de laisser les habitants du Nord se lier au Temple les amène inévitablement à créer leur propre centre religieux, et à parachever la rupture. Ce Temple sera construit un peu avant23 la conquête d'Alexandre le Grand, ou juste après41. Cette rupture n'empêche pas la reprise du Pentateuque, issu de sources diverses, mais compilé dans sa forme définitive dans le Sud, en Judée, vers le vie siècle av. J.-C. On peut donc la supposer postérieure à cette étape, malheureusement mal datée. L'origine des Samaritains : conclusions Maquette du second temple de Jérusalem. Des divergences religieuses et politiques croissantes ont d'abord éloigné Israélites du Nord et du Sud, comme les accusations bibliques contre les pratiques religieuses du Nord en témoignent. On ne sait pas exactement de quand date la rupture définitive entre Juifs et Samaritains. Au plus tôt, elle se produit vers 520 av. J.-C., lors de la construction du second temple de Jérusalem par certains des anciens exilés juifs à Babylone. Au plus tard, elle est attestée vers 330 av. J.-C. Quelles que soient les raisons de la rupture entre les communautés, et sa date exacte, les Samaritains et les Judéens (qui donnèrent les Juifs) ne se considèrent plus comme un seul peuple, alors même qu'ils se réclament tous deux de la descendance des Hébreux et qu'ils suivent le Pentateuque.

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