mardi 1 juin 2010

La question de l'individualité en Astrologie

par Jacques HalBronn

Un des débats les plus lancinants, dans le milieu astrologique, par les temps qui courent, est celui de l'individu, de l'individuation et tutti quanti. Pour nombre d'astrologues, l'astrologie aurait pour insigne mission de protéger ce qui fait de nous un être unique. Or, à notre avis, c'est là un détournement quant à sa vocation première.
Le "camp" des tenants de l'astrologie comme gardienne du "moi" accueille en effet aussi bien des psychologues que des karmistes, et donc regroupe toutes sortes d'"écoles" astrologiques autour de Jacky Alaïz à Samuel Djian Gutenberg, de Daniel Giraud à Michel Aguilar, pour ne citer que quelques astrologues se manifestant sur la Télévision Astrologique, sous le terme plus générale d'astrologie spiritualiste, avec le terme "évolution" qui revient,
En fait, tout est question de perspective: il y a l'individuel et le collectif, la question est de savoir si l'astrologie étudie l'individuel dans son rapport au collectif ou le collectif dans son rapport à l'individuel, si l'on entend que le premier terme est astrologique et le son extra-astrologique, ce qui pose le problème des limites et des "frontières de l'astrologie" (pour évoquer le Colloque CURA-MAU de décembre 2000).
Pour Jacky Alaïz, par exemple, qui s'intéresse énormément aux enjeux collectifs, l'astrologie traite de l'individualité et même de l'âme. Pour nous, au contraire, qui ne nions nullement l'importance de l'individu, l'astrologie nous explique comment fonctionne la société.
En tout état de cause, les tenants d'une astrologie pour chaque individu peuvent toujours mettre en avant l'existence du thème natal, lequel attesterait suffisamment de ce que l'individu se placerait au cœur de la tradition astrologique. Il en est même, comme Dan Giraud (voir notre entretien à paraitre sur la Télévision Astrologique) qui nous disent que le thème natal existe astronomiquement comme si cela constituait un objet aussi flagrant qu'une planète! Il y a là un abus de langage qu'il nous faut dénoncer: que l'on puisse dresser un thème en recourant à l'astronomie est un fait, que cela constitue une réalité astronomique en est une autre! On peut aussi faire une œuvre d'art en utilisant de la ferraille, c'est à dire en détournant ses composantes de leur usage premier! Le thème natal est par excellence une création de l'Astrologie, ce qui n'est pas en soi rédhibitoire d'ailleurs. Que, dans le cours de l'Histoire, le thème natal soit parvenu à occuper une place grandissante au sein du savoir astrologique ne saurait, pour autant, nous contraindre à le considérer comme un élément constitutif de l'astrologie. Mais là encore, les astrologues ne se privent pas de jouer sur les mots et de recourir à des sophismes, confondant épistémologie et genèse.
En tant qu'historien reconnu de l'Astrologie, nous dirons qu'au départ le thème natal était réservé à quelques chefs, à quelques naissances éminentes (comme celle du futur Louis XIV, en 1638), ce qui constituait déjà une brèche qui ne cessa ensuite de s'élargir jusqu'à cette consigne du "droit" à un thème pour chacun! En fait, c'est bien vers l'astrologie mondiale qu'il convient de se (re)tourner pour appréhender l'âme de l'Astrologie, ce qui ne signifie pas qu'il faille réduire l'astrologie à l'étude des "grands" événements. Il y a entre ces deux extrêmes de la macro-astrologie et de la micro-astrologie une astrologie du collectif qui est à (re)construire et dont l'image de marque doit être la simplicité des concepts et la transparence des méthodes. Or, force est de constater que le travail de l'astrologue se caractérise par une opacité qui ne donne pas confiance.
Pour nous, toute cyclicité est dialectique, c'est à dire qu'elle met en œuvre des forces contraires. Même si l'astrologie est d'abord un agencement collectif (yin), elle laisse la place périodiquement des plages favorisant l'épanouissement individuel (yang) - voir notre récent entretien avec Claire Henrion sur le rétablissement de certaines structures analogiques, sur la Télévision Astrologique, mais elle le fait par défaut. On pourrait parler alors de pause, d'entr'acte, de récréation. Quand le chat n'est pas là, les souris dansent.
Mais croire que par le thème natal, l'on puisse d'une quelconque façon, appréhender la spécificité d'un individu - de tout individu- nous semble plus que contestable, sauf à se placer dans une pratique divinatoire, projective. (Genre test de Rorschach).
Il y a là une sorte de cercle vicieux: à partir du moment où l'on accepte l'idée du thème natal, on est amené à se demander ce qui fait que l'on ait, en naissant, à assumer un tel "programme", ce qui est la porte ouverte vers le karma, les vies antérieures. Mais si l'on se contente (voir le débat de Toulouse, en mars 2010, sur la Télévision Astrologique) d'une astrologie catégorielle (typologie planétaire à la Gauquelin notamment, voire typologie zodiacale), on peut trouver là une explication du thème natal, sans entrer dans une problématique individuelle. On n'est pas seul à être Martien ou Sagittaire (voir les horoscopes des journaux). Ce n'est donc pas le thème natal en soi que nous mettons en cause, mais sa lecture individualisante et non simplement catégorielle - ce qui correspond à une dérive divinatoire - et aussi le fait qu'il ne se contente pas de la position des planètes en maisons (voir l'exposé de Jean-Marie Lepeltier ("Astronomie Mythique") au colloque de Rennes, septembre 2009, sur la Télévision Astrologique) mais accorde bien trop de place aux planètes en signe, ce qui ne laisse aucune marge de manœuvre au fœtus pour que le moment choisi pour naitre soit signifiant.(voir débat de Campuac (12), sur la Télévision Astrologique)
On nous objectera peut-être que les êtres sont bel et bien "uniques", tant dans ce bas monde que dans l'astral.....Il est vrai que le temps différencie, incruste des scories, des mémoires. Mais la cyclicité n'implique-t-elle pas justement -et la réincarnation est une cyclicité (en hébreu guilgoul)- un renouvellement, un "nettoyage", un "oubli" (le fleuve Léthé)? Nous ferons simplement remarquer que l'astrologie n'a pas spécialement vocation à rendre compte de cette "historicité" de chaque personne et nous ne pensons pas d'ailleurs que l'Histoire, en général, même au niveau collectif, relève directement du champ de l'astrologie. L'astrologie ne se situe pas, en effet, dans la contingence mais dans la récurrence.




JHB
25. 03. 10

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